l►► Litige religion enfant post séparation

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Les parents ont vocation première à aider l'enfant à mûrir psychiquement, intellectuellement et moralement, et donc, tout naturellement à veiller à son éducation. Les parents ont donc, en principe, toute liberté pour élever leur(s) enfant(s) conformément à leurs convictions religieuses.

La religion en tant que telle n’est pas directement évoquée par le droit civil de la famille, mais elle l’est tant par la jurisprudence que par la loi, notamment en son article 1200 du nouveau code de procédure civile. 


Par ailleurs, le droit de transmettre ses convictions à ses enfants est fortement garanti à l'article 2 du Protocole n 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme sous la forme d'un droit des parents d'assurer l'enseignement des enfants conformément à leurs convictions religieuse et philosophiques.

En son article 18 alinéa 4, le Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques est encore plus explicite en proclamant la liberté des parents de faire assurer l'éducation morale et religieuse de leurs enfants conformément à leurs propres convictions.

Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques



Dans le cadre familial, chaque parent est libre de pratiquer ou de ne pas pratiquer la religion de son choix, et en vertu de leur autorité naturelle garantie par la loi, ils peuvent effectivement amener l'enfant à suivre des pratiques religieuses.
Pour autant, ce droit n'est pourtant pas absolu.
Les limites de cette liberté sont définies par les lois (notamment en matière de sécurité et d’hygiène) et par le respect des droits de l’enfant.

Des difficultés peuvent apparaître quand les parents ont des convictions religieuses différentes (ou que l'un en a quand l'autre s'y refuse) et s'opposent sur l'orientation à donner à l'enfant. En cas de désaccord entre parents séparés ou divorcés sur l’éducation religieuse de l'enfant, l'un ou l'autre des parents peut saisir le Juge aux Affaires Familiales afin qu'il statue sur le litige. 

Le Juge recherche, le plus communément, quelle était la pratique antérieure au divorce ou à la séparation et non de celle de chacun des individus après la séparation, considérant que ce sont les choix d’éducation de la vie commune passée qui doivent l’emporter, dans le but de garantir aux enfants une stabilité propice à un développement harmonieux et équilibré, sur le fondement de l'article 371-2 du code civil abrogé il y a une dizaine d'années (5 mars 2002), abrogé mais toujours "dans l'esprit" des magistrats.
Mais aussi, il tient compte de la capacité de discernement de l’enfant, lorsque celui-ci (et/ou l'un des parents) est en conflit sur le choix de sa religion, la France ayant ratifié la Convention de New-York du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant (cliquer). De plus en plus, la parole est accordée aux enfants. En outre, cette parole peut etre reconnue comme digne de foi. 
Aux termes de ses articles 12 et 14, la Convention réserve à tout enfant capable de discernement la possibilité d’être entendu dans toute procédure l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation nationale, et qu’elle préconise de prendre en considération l’opinion de l’enfant eu égard à son âge et à son degré de maturité.
La possibilité est offerte, désormais depuis 2005, aux justiciables d’invoquer certaines de ses dispositions.
En tout état de cause, il est essentiel d’associer le mineur aux décisions qui le concernent, dès lors que son âge et sa maturité le justifient (pour rappel : Article 371-1 du code civil - voir en début de billet).



Il faut aborder véritablement le problème sous un autre angle que l'attaque frontale envers la religion. En effet, la Cour Européenne des Droits de l'Homme pourrait n'y "voir" qu'une simple discrimination religieuse. Il faut impérativement une justification objective et raisonnable, c'est-à-dire que la Cour de Cassation ne se contente pas de confirmer un arrêt de Cour d'Appel énonçant uniquement : " les règles éducatives imposées par les Témoins de Jéhovah sont critiquables en raison de leur dureté, de leur intolérance et des obligations imposées aux enfants de pratiquer le prosélytisme ".

Il faut donc, bien évidemment, un impact négatif considérable sur l'enfant mettant en péril sa santé (comme défini à l'article 375 du code civil "la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises"), autrement, le risque est fort grand d'être débouté, comme ci-dessous.

Saisie d’un conflit d’autorité parentale lié à la pratique religieuse que le père tenterait d’imposer à ses enfants et de la demande de leur mère visant à faire interdire au père toute pratique religieuse à l’égard de sa fille, la cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt du 11 juin 2009,  les juges en déduisent qu’en l’espèce, "il n’est pas démontré une pratique religieuse excessive du père ayant des incidences sur l’éducation et la vie quotidienne de l’enfant nécessitant le prononcé par la cour d’une interdiction de toute pratique religieuse du père à l’égard de sa fille. Il appartient seulement à celui-ci de respecter le souhait de l’enfant de l’accompagner ou non dans l’édifice religieux où il se rend".




Y a-t-il endoctrinement ? L'impact sur l'enfant est-il tel qu'il perturbe son sommeil, son alimentation, le déroulement de ses journées, a-t-il un autre prénom dans "l'autre famille" ? L'exercice de la liberté religieuse de l'autre parent nuit-il à l'enfant au point de mettre en danger son équilibre psychique ou physique ? Le danger est-il caractérisé ?

Il est difficile de mesurer des tels troubles, il faut que l'éducation soit gravement compromise aux yeux de certains juges, mais pour autant, et alea judiciaire quand tu nous tiens, d'autres juges, en raison de l'âge de l'enfant et de l'exercice conjoint de l'autorité parentale, décident que l'éducation religieuse de l'enfant se ferait lorsqu'il serait en âge de choisir (Cour d'appel d'Agen, chambre civile 1, 31 janvier 2008, N° de RG: 07/000431).

Ci dessous, le Juge a demandé à une mineure de 16 ans d’attendre sa majorité pour être baptisée dans la secte des Témoins de Jéhovah, baptême auquel s’opposait la mère. 

Cour de Cassation - 11 juin 1991 - 89-20.878

"Mais attendu que c'est dans l'exercice de leur pourvoi souverain d'appréciation de l'opportunité de faire procéder immédiatement au baptême de Catherine X... que les juges du fond, qui ont relevé que celle-ci était née de parents catholiques et avait été baptisée dans leur religion, ont estimé qu'il convenait d'attendre qu'elle soit devenue majeure pour exercer son choix ; d'où il suit qu'en aucune de leurs diverses branches, les moyens ne peuvent être accueillis ;"


Egalement ci dessous, l'invocation de la liberté de conscience et de religion (article 9 de la Convention européenne) cédant devant les exigences de la protection de l'enfant, considérées comme pouvant apporter à l'exercice de cette liberté des restrictions légitimes (mesures de nature à éloigner l’enfant d’une secte).

"Mais attendu, sur les trois premières branches, que les articles cités de la Convention européenne des droits de l'homme autorisent des limitations permettant les ingérences prévues par la loi et nécessaires dans une société démocratique à la poursuite des buts légitimes énoncés ; que l'arrêt attaqué ne porte pas directement atteinte aux droits et libertés invoqués par Mme X..., mais se borne à soumettre leur exercice à certaines conditions commandées par le seul intérêt des enfants que la cour d'appel a apprécié souverainement ;"


Encore ci-dessous, le refus de l'exigence du port du "voile islamique" par les enfants d'un père musulman jugé conforme à "la considération primordiale de l'intérêt supérieur de l'enfant".
"Mais attendu que la cour d'appel a fondé sa décision sur les pressions morales et psychologiques que M. X... faisait peser sur ses filles encore très jeunes, notamment en exigeant le port du " voile islamique " et le respect de l'interdiction de se baigner dans des piscines publiques, et sur l'absence de signe d'évolution de sa réflexion pour prendre en compte leur développement psycho-affectif et laisser une place à la mère ; que, par ces motifs, qui ne constituent pas une simple référence à d'autres décisions et ne méconnaissent pas la Convention précitée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision fondée sur la considération primordiale de l'intérêt supérieur des enfants ;"


Si l'impact psychologique sur l'enfant n'est pas démontré, il faudra envisager d'opter pour une solution plus neutre, celle qui consiste à ne pas saisir le juge aux affaires familiales.
Un célèbre revirement de jurisprudence émanant de la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme confrontée à un dilemme religieux a adopté la position suivante : garantir à chaque état, en restant neutres et impartiaux, l’exercice des diverses religions, cultes et croyances. Garantir à l'enfant le droit de bénéficier « d’un pluralisme éducatif » qui exige notamment que les enseignements scolaires soient « diffus[és] de manière objective, critique et pluraliste, permettant aux élèves de développer un sens critique à l’égard notamment du fait religieux dans une atmosphère sereine, préservée de tout prosélytisme. 

Pourquoi ne pas envisager en tant que parent ce pluralisme éducatif (et donc religieux), rien de fondamental ne devant être engagé tant que l'enfant n'est pas en situation de se positionner personnellement et de choisir.

Dans nos juridictions, il faut parfois ester jusqu'à la Cour de cassation pour admettre qu'un enfant puisse choisir sa religion, ou qu'il n'en choisisse pas ... contrairement aux engagements internationaux de notre pays.
Faudra-t-il attendre qu'un adolescent saisisse personnellement la Cour de Justice Européenne pour obtenir satisfaction ? (Jean Pierre Rosenczveig, président du tribunal des enfants du 93)




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Titre : Litige religion enfant post séparation

l►► L'intérêt de l'enfant : une notion floue propre à l'arbitraire

l►► L'intérêt de l'enfant : une notion floue

« C'est la notion magique. Rien de plus fuyant, de plus propre à favoriser l'arbitraire judiciaire. Il est des philosophes pour opiner que l'intérêt n'est pas objectivement saisissable et il faudrait que le juge décide de l'intérêt d'autrui! L'enfance est noble, plastique, et n'a du reste de signification que comme préparation à l'âge adulte : de ce qui est semé dans l'enfant à ce qui lèvera dans l'homme, quelle pseudo-science autoriserait le juge de prophétiser. »

Doyen Carbonnier 

Sur le site : Jean Pierre Rosenczveig

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Les dérives de l’utilisation de la notion de l’intérêt de l’enfant
Pierre Verdier


Dans un livre paru en 1983 sous le titre "Avant d’invoquer l’intérêt de l’enfant", Joseph GOLDSTEIN, Anna FREUD et Albert J. SOLNIT écrivaient :

"le concept d’intérêt de l’enfant est souvent invoqué pour justifier des interventions qui s’avèrent catastrophiques pour les enfants et leurs familles. Que ce soit dans le domaine du divorce ou dans celui de la protection de l’enfance en danger, les adultes mandatés par la société : magistrats, policiers, travailleurs sociaux, médecins, interviennent au nom d’un concept aux contours vagues et qui permet bien des abus."

Mon expérience d’avocat corrobore totalement ces propos.

Contrairement à ce qu’on affirme parfois rapidement, l’intérêt de l’enfant est un concept ancien qui a été créé au XIX° siècle : On le trouve déjà par exemple la circulaire Duchâtel de 1840 relative à l’éducation correctionnelle.

Il a pour objet de permettre une interprétation au cas par cas. Ce n’est pas du subjectivisme ou de l’arbitraire, mais c’est ce qui permet l’adaptation de la décision à la situation concrète, toujours unique.
Un peu comme la notion de capacité de discernement qui a remplacé aujourd’hui les seuils d’âge rigides du passé.
Par exemple, l’intérêt de l’enfant, ce n’est pas automatiquement de rester chez ses parents ou d’en être séparé, c’est ce qui justifie telle ou telle décision, à condition, j’y reviendrai, que ce soit après débat contradictoire et avec des justifications in concreto, et non pas seulement une formule magique incantatoire.

Notion traditionnelle, mais qui a acquis un lustre particulier avec la Convention Internationale des Droits de l'Enfant. Tout le monde a en mémoire l’article 3 :

"Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale".

Attention, la CIDE ne dit pas que l’intérêt de l’enfant est la seule considération. Elle dit "une considération primordiale". C’est à dire une considération parmi d’autres.

Alors quelle utilisation en est faite, puisque c’est ce qui m’est demandé de traiter.

Je dirai que c’est :
  1. une référence utile,
  2. mais un concept particulièrement flou,
  3. et dont l'usage excessif peut s'avérer dangereux.

1/ Une référence utile

Bien sûr. Qui pourrait être contre l'intérêt de l'enfant?

Cette référence permet d'échapper à toute application trop mécanique de la loi, qui pourrait aboutir à des absurdités. C’est une respiration. Une fenêtre ouverte à l’intelligence. Parce que chaque situation humaine est unique et ne peut être enfermée dans des règles trop rigides.
Quelques exemples sur l'intérêt de l'enfant:

- l’art. 371-4 du code civil pose que "l’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants". La loi de 2007 ajoute "seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice de ce droit" et c’est une sage précaution.

- en ce qui concerne le choix des prénoms attribués à un enfant : la loi du 8 janvier 1993 a laissé entière liberté aux parents, mais il était sage de fixer une limite et la loi a posé que si ce choix paraît "contraire à l'intérêt de l'enfant", l'officier d'état civil en avise le Procureur qui peut saisir le juge qui pourra attribuer lui même un autre prénom (art 57 CC).

- selon l'article 350 du code civil, en cas de désintérêt manifeste des parents le service qui a recueilli l'enfant doit saisir le Tribunal d'une demande en déclaration d'abandon. Cela permettra à l’enfant d’être éventuellement adopté par une autre famille. Cette saisine est obligatoire depuis 1994 et le Tribunal doit obligatoirement prononcer la déclaration, [le terme "peut être déclaré abandonné" ayant été remplacé par "est déclaré abandonné"].
Toutefois la Cour de cassation a estimé, contra legem, notamment en 1981 et en 1987 que "même lorsque les conditions d'application de ce texte sont réunies, l'intérêt de l'enfant peut justifier le rejet d'une requête aux fins de déclaration d'abandon".

- ainsi les conditions pour adopter un enfant sont particulièrement larges (il suffit d’avoir plus de 28 ans ou d’être marié depuis plus de deux ans) et tout le monde ou presque les remplit : mais le Tribunal doit vérifier, selon l'article 353 CC, non seulement que les conditions de la loi sont remplies mais aussi que l'adoption est "conforme à l'intérêt de l'enfant".

Pour qu’une société soit démocratique, il faut ces espaces de respiration, d’interprétation et d’adaptation, sinon on est dans un Etat totalitaire.


2/ Mais c'est un concept particulièrement flou qui permet tout. 

L'intérêt de l'enfant, on le sait, est un concept mou. C'est une notion très subjective, qui peut être toujours invoquée pour justifier toutes les pratiques.

Il faut citer à ce propos la phrase célèbre du doyen Carbonnier :
"C'est la notion magique. Rien de plus fuyant, de plus propre à favoriser l'arbitraire judiciaire. Il est des philosophes pour opiner que l'intérêt n'est pas objectivement saisissable et il faudrait que le juge décide de l'intérêt d'autrui! L'enfance est noble, plastique, et n'a du reste de signification que comme préparation à l'âge adulte : de ce qui est semé dans l'enfant à ce qui lèvera dans l'homme, quelle pseudo-science autoriserait le juge de prophétiser."

Ainsi on peut lui faire dire tout et son contraire.

Un exemple, bien connu :
Le 14 mai 2000 naissait à Nancy le petit Benjamin. Sa mère avait accouché sous X. L’enfant était recueilli par l’ASE et placé en vue d’adoption.
Mais le père, Philippe, avait reconnu son enfant deux mois avant la naissance dans la Bas Rhin. Par la suite, il n’a cessé de le réclamer auprès du PCG, du Proc, du préfet.
Lorsque l’affaire est passée devant le TGI de Nancy le 16 mai 2003 pour examiner la demande d’adoption, – Benjamin avait donc 3 ans-, celui-ci a constaté que cet enfant avait un père… et au nom de l’intérêt de l’enfant de connaître ses parents et d’être élevé par eux, a refusé de prononcer l’adoption et ordonné le retour.
Mais la Cour d’appel, le 27 février 2004 au nom du même intérêt de l’enfant a pris la décision totalement opposée et a prononcé une adoption plénière.
Il faudra une cassation le 7 mai 2006 et une nouvelle décision de la Cour d’appel de Reims pour régler définitivement ce problème.

Autres exemples :

- Est-il conforme à l'intérêt de l'enfant ou au contraire opposé à cet intérêt que des personnes de même sexe vivant ensemble exercent l'autorité parentale?

On sait que l’adoption n’est pas ouverte aux couples homosexuels, mais l’adoption simple par celui qui n’est pas le géniteur permet que l’enfant ait une double filiation. On peut donc estimer que c'est tout avantage pour lui, qui est mieux protégé, dans la vie quotidienne et en cas de décès d’un des deux.
Le TGI de Paris, dans deux décisions rendues en 2001 et en 2003 l'a admis. Mais la plupart des juridictions le refuse au motif que ce ne serait pas conforme à l'intérêt de l'enfant.
Finalement c'est l'orientation idéologique du magistrat ou du Tribunal qui définit l'intérêt supposé de l'enfant.

Le doyen Jean Carbonnier écrivait en 1960 "l'intérêt de l'enfant est dans la loi, mais ce qui n'y est pas, c'est l'abus qu'on en fait aujourd'hui. A la limite, elle finirait par rendre superflues toutes les institutions de droit familial."

- en matière d'attribution du prénom, la décision est toujours subjective : un premier tribunal estime qu'appeler son enfant Mégane est contraire à son intérêt, puis la Cour d'appel estime que cet inconvénient est moindre que le trouble qu'entraînerait pour l'enfant un changement de prénom7.

L’autre problème, c’est que l’intérêt on le construit, on l’oriente, on le façonne. Alors que le droit, c’est objectif et c’est du long terme.

Un exemple, tiré de ma pratique :

Il s’agit une maman du Nord de la France. Cette dame a un premier enfant très gravement handicapé. A la naissance de son deuxième enfant, il y a 16 ans, elle était désemparée par cette prise en charge et parce que son frère venait de se tuer dans un accident de moto.
Elle demande un accueil provisoire. On lui garantit qu’elle garde tous les droits.
L’enfant est placée dès la sortie de la maternité en famille d’accueil par mesure administrative contractuelle.
Le service demande à la mère de ne pas aller la voir pour qu’elle s’adapte à son placement, pour qu’elle « se pose » comme ils disent dans leur jargon.
Alors que l’enfant était suffisamment protégée par cet accueil administratif, un signalement est fait dés le premier mois et le juge des enfants ordonne un placement judiciaire au motif « que [l’enfant] est en recueil temporaire depuis sa naissance et que sa mère n’est jamais allée la voir ».

A aucun moment un élément de danger n’est décrit.
Par la suite, toutes les décisions judiciaires ont demandé de travailler vers un retour.
Mais voilà, ce que je n’ai pas encore dit, c’est que cette enfant née dans une famille musulmane pratiquante, a été placée dans une famille catholique, baptisée sans qu’on demande l’avis de la mère, fait ses deux communions, accueillie dans un collège catholique et qu’elle ne souhaite pas revenir chez ces gens qu’elle connaît à peine et qui ont un mode de vie très différent.
A certaines périodes, il y a eu un droit de visite médiatisée une heure par mois. Ca fait 12 heures par an. Quel vécu commun peut-on avoir avec un enfant que l’on voit 12 heures par an dans un lieu artificiel en présence d’un tiers ?

Le juges – en quinze ans, il y en en eu une dizaine – ont tous bien analysé mais n’ont pas voulu brusquer. L’un d’eux écrivait en 2006 « tout en respectant le rythme de J., et son angoisse indéniable de perdre la stabilité actuelle, il apparaît également essentiel qu’elle intègre sa filiation et sa culture, pour parvenir à une construction identitaire équilibrée ».

Alors aujourd’hui on est en présence de la situation suivante :
  • une mère très attachée à son enfant dont elle a été injustement écaDoyen Carbonnierrtée ;
  • une enfant de 15 ans et demi qui a grandi dans un autre milieu et une autre culture, et qui n’a jamais vu sa famille et ne veut pas y vivre.

Son intérêt à court terme, c’est de rester où elle est.
Son droit et le droit de sa famille, c’est un retour.

Le problème, c’est qu’on n’a pas respecté ces droits depuis 15 ans et que maintenant un retour serait une violence.

Il y a des jours où il est plus confortable d’être avocat que d’être juge.


3/ Enfin, c'est un concept dont l'usage excessif peut s'avérer dangereux.
 
On peut lire ici ou là qu'il y aurait
- ceux qui défendent l’intérêt de l’enfant,
- et ceux qui défendent l’intérêt des parents, que certains appellent les familialistes.

En réalité, quarante années de pratique professionnelle m'ont appris que cette présentation au premier degré était pernicieuse.

Tous les parents que je rencontre, surtout les plus en difficulté, veulent que leurs enfants s’en sortent et réussissent et ne connaissent pas les mêmes galères. Je n'ai jamais vu, absolument jamais, de parents faire passer leur prétendu intérêt avant l’intérêt de l'enfant. Certes, on peut admettre que des parents ne peuvent pas penser l’intérêt de leur enfant, mais leur volonté, à part quelques pervers que je n’ai jamais rencontrés, c’est la réussite de leur enfant. Et leur réussite à travers celle-ci.

Droits des parents et droits de l'enfant vont ensemble : le premier droit de l'enfant, c'est d'avoir des parents en capacité de l'élever.

Non, le clivage est entre ceux qui voient l'enfant comme objet de protection et ceux qui positionnent l'enfant comme sujet de droit.

Les tenants de la protection pensent que seuls les professionnels peuvent définir à partir de leur savoir ce qui est bon pour l’enfant, quel est son intérêt. Et quand je dis de l’enfant, j’entends bien sûr, de l’enfant des autres. Et plutôt des pauvres.

Or chaque fois que le code invoque l'intérêt de l'enfant, c'est pour le priver d'un droit.

- ainsi deux récentes lois du même jour ont autorisé, sous certaines conditions et dans certaines limites, le partage d'informations entre personnes soumises au secret professionnel. Une de ces conditions est l'obligation d'informer les parents et l'enfant que l'on va partager des informations le concernant. Mais on peut les priver de ce droit "si cette information est contraire à l'intérêt de l'enfant,

- ainsi le président du conseil général doit informer les parents lorsqu'il effectue un signalement à l'autorité judiciaire, "sauf intérêt contraire de l'enfant"

- ainsi l'article 371-5 CC pose que l'enfant a le droit de ne pas être séparé de ses frères et sœurs sauf "si son intérêt commande une autre solution";

- ainsi l’enfant peut demander à être entendu par son juge et cette audition est de droit s’il en fait la demande, mais il peut l'adresser à une autre personne "lorsque son intérêt le commande"

- ainsi en 1984 pour la protection sociale et en 1986 pour la protection judiciaire, nous avions acquis que les placements devaient être revus périodiquement et ne pas perdurer jusqu'à ce qu'il en soit autrement décidé. Désormais, dans l'intérêt de l'enfant, ils peuvent être fixés sans échéance;

- ainsi les parents sont informés du lieu d'accueil de leur enfant, c'est la moindre des choses, mais, si l'intérêt de l'enfant le nécessite ou en cas de danger, le juge décide de l'anonymat du lieu d'accueil.

On le voit, c’est un instrument de pouvoir.
D’autant qu’en pratique, il est invoqué pour justifier toutes les décisions, même les plus absurdes.
Les partisans du droit des personnes, s'inscrivent dans une autre logique : pour eux (pour nous), enfants et parents sont sujets de droits et c'est en leur reconnaissant ces droits et en leur donnant les moyens de les assumer qu'on les fera sortir de l'assistance.

Et que ce n'est pas en disqualifiant les parents qu'on aidera les enfants.

Pour eux, l’intérêt de l’enfant reste comme une référence, mais à plusieurs conditions.
J’en dégagerai trois :

1/ que ce ne soit pas la seule référence.  
L’intérêt de l’enfant est indissociable de ses besoins et de ses droits.

Je n’invente pas : c’est ce que dit le nouvel article L112-4 CASF
"L’intérêt de l’enfant, la prise en compte de ses besoins fondamentaux, physiques, intellectuels, sociaux et affectifs, ainsi que le respect de ses droits doivent guider toutes décisions le concernant."

La loi indique donc non pas une, mais trois références
- l'intérêt de l'enfant
- la prise en compte de ses besoins
- le respect de ses droits.

Cela forme un tout. Et cela est essentiel. En effet, le droit c’est objectif, le droit ça se constate, alors que l’intérêt c’est toujours une appréciation. Et lorsqu’il semble y avoir conflit entre un droit établi et l’intérêt supposé, c’est le droit qu’il faut appliquer. Par exemple l’enfant a le droit de connaître ses parents ; on ne peut l’en priver parce qu’on estime que ce serait contraire à son intérêt.

Le Professeur Jacqueline Rubellin-Devichi écrivait :

"On a dit justement que le recours à l'intérêt de l'enfant est parfois un moyen commode pour le juge de se dispenser d'appliquer la règle de droit, en toute bonne foi d'ailleurs, et nous avons essayé de démontrer combien l'intérêt de l'enfant devait être pris comme critère seulement lorsqu'il n'y pas de règle applicable : il nous paraît que l'intérêt de l'enfant est d'abord de bénéficier de la règle de droit, lorsqu'il y en a une"

Ailleurs elle écrivait : "Donner au juge le droit de se déterminer en fonction de l’intérêt de l’enfant, c’est lui donner le droit d’ignorer le droit".

La notion d’intérêt de l’enfant n’est pas inutile, mais elle n’est pas, à elle seule, opérante.
Elle est comme une boussole : elle nous indique le nord, mais ne nous dit pas par quel chemin y aller. Et parfois il faut passer par l’est ou par l’ouest.
C’est une direction générale.
Je lisais dans le dernier livre de Maryvonne Caillaux, volontaire à ATD Quart-Monde, Comme des orpailleurs, que le mot liberté n’apparait pas dans la Bible.
La Bible parle toujours de libération : libération d’Egypte, libération de l’esclavage.
La liberté, ce n’est jamais acquis, la libération, c’est un combat permanent. C’est un processus.
De même l’intérêt de l’enfant, personne ne peut le définir, mais la recherche de son intérêt doit toujours nous animer. Ce que Sophie Graillat appelle des obligations procédurales.

Elle est comme l’impossible, dont René Char nous disait que nous ne l’atteindrons jamais, mais qu’il nous sert de lanterne

2/ la deuxième condition est de dire que l’intérêt de l’enfant n’appartient à personne et qu’il ne peut être esquissé que dans le contradictoire, d’abord avec l’enfant, ensuite avec ses père et mère seuls détenteurs de l’autorité parentale, éventuellement avec les professionnels.
Or actuellement il est souvent confisqué par les seuls professionnels, ou les experts, qui s’appuient sur la Justice, qui devient le bras armé de l’administration.

3/ la troisième condition est de ne pas l’invoquer comme une incantation pour justifier tous les dysfonctionnements. 

Dire en quoi, concrètement, il est de l’intérêt de l’enfant d’être placé ou d’être séparés de ses frères et soeurs.

Un dernier exemple tiré de ma pratique:

Deux sœurs, 1 et 3 ans, sont confiées à la même famille d’accueil. Celle-ci se trouvant trop âgée et fatiguée (l’assistante familiale a 63 ans), demande à en être déchargée.
L’ASE propose soit un placement en pouponnière (j’emploie volontairement le mot placement) soit un accueil séparé dans deux familles.
Les parents sont opposés à un placement institutionnel ainsi qu’à une séparation des deux enfants. Ils ne comprennent pas que dans un département de 1,5 million d’habitants, c’est le 93, une Région Ile de France de 12 millions d’habitants, on ne puisse trouver une famille d’accueil susceptible d’accueillir deux enfants, mais c’est ce qui leur est dit.

L’inspectrice leur écrit la veille de l’entrée à la pouponnière :
"Dans l’intérêt de vos enfants un changement de lieu d’accueil a été réfléchi et recherché avec les différents professionnels chargés du suivi de la situation."

D’abord pourquoi avec les professionnels et pas avec les parents ? Associer les parents, c’est possible, je vous assure, les parents sont gens fréquentables, moi je travaille avec.
Mais dans ce service on préfère réfléchir entre professionnels, c’est plus confortable pour dire quel est l’intérêt des autres.

Ensuite pourquoi écrire "Dans l’intérêt de vos enfants", et ne pas dire la vérité ?

La vérité, c’est "dans l’intérêt supérieur de l’assistante familiale qui s’estime fatiguée" ou "dans l’intérêt bien compris du service qui ne veut pas chercher une autre solution ou accorder une dérogation"
Ou à la limite :
"bien que ce ne soit pas l’intérêt de vos enfants, je me vois contraint de …"

Personne n’osera écrire cela, Tartuffe n’est pas mort.

L’intérêt de l’enfant permet de s’exonérer de tous les droits. Ici le droit des deux sœurs de ne pas être séparées et aussi le droit des parents d’être associés.

Vous allez me dire "la pouponnière, c’était peut-être le seul moyen de laisser les deux enfants ensemble" : eh bien figurez vous qu’elles seront dans le même établissement, mais en raison de leur différence d’âge, pas dans le même groupe !

Et puis, puisque nous parlons d'intérêt, il y a un autre sens au mot intérêt, c'est le sens financier. D'ailleurs quand j'ai cherché ce mot dans la table alphabétique de mon Dalloz, il ne m'a renvoyé qu'à capitalisation, cautionnement, hypothèque, usure, prêt à intérêt, etc.
En fin de compte, qui a intérêt aux placements d’enfants ?

Alors mes clients, - ils sont très mal élevés mes clients – ils disent  "l'intérêt de l’enfant, c’est du foutage de gueule".
Ils sont très mal élevés, mais tant qu’ils s’indignent, c’est qu’ils vivent encore. Et c’est cette indignation qui permettra peut-être un peu de sauvegarder cette flamme toujours fragile et vacillante qu’est l’intérêt de l’enfant.


Recherches apparentées : notion intérêt de l'enfant - droit civil - l'intérêt supérieur de l'enfant - concept intérêt de l'enfant 

Titre :  L'intérêt de l'enfant : une notion floue propre à l'arbitraire judiciaire

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l►►  Le Juge aux Affaires Familiales (JAF) a l'obligation de statuer sur les modalités du droit de visite



Jurisprudence Cour de Cassation - droit de la famille


Le juge aux affaires familiales doit obligatoirement statuer sur les modalités du droit de visite du parent chez lequel les enfants ne résident pas. Les modalités d'organisation des droits de chacun des parents sont inscrites de facon formelle dans une décision judiciaire et ainsi de prévenir les conflits.


Publication
Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion du 15 décembre 2009





Recherches apparentées : droits de visite et d'hébergement - non-représentation d'enfant - refus de présenter l'enfant - modification dvh 

Titre : Droit de visite

l►► La pension alimentaire à l'enfant majeur

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l►► La pension alimentaire à l'enfant majeur ne cesse pas à sa majorité



Jurisprudence Cour de Cassation - droit de la famille

La Cour de cassation rappelle que la contribution à l'entretien et l'éducation d'un enfant, qui ne cesse pas de plein droit à sa majorité, ne peut être supprimée que si les conditions nécessaires à son existence ont disparu.
En l'espèce, un juge aux affaires familiales avait supprimé la pension alimentaire due par le père d'un enfant au motif que l'enfant, âgé de 18 ans et 3 mois a terminé ses études et s'est mis en quête de trouver un emploi. La décision est cassée : la contribution à l’entretien d’un enfant ne cesse pas de plein droit à sa majorité et subsiste tant que l’enfant ne peut pas subvenir seul à ses besoins.



Publication : non publié
Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble du 13 mai 2008






Voir mon billet : Pension alimentaire - loi et définition
Voir mon billet : Versement de la pension alimentaire à l'enfant majeur

Recherches apparentées : pension alimentaire majorité enfant - contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant majeur - pension alimentaire séparation enfant majeur - suppression pension alimentaire - pension alimentaire en cas de séparation / divorce 

Titre : Pension alimentaire enfant majeur

l►► Dispense de la pension alimentaire pour cause de dettes

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l►► Père dispensé de pension alimentaire pour pouvoir apurer ses dettes


Jurisprudence Cour de Cassation - droit de la famille

Une cour d’appel dispense un père de deux enfants de verser une contribution pour leur entretien et leur éducation. La Cour de cassation confirme l’arrêt aux motifs que les revenus du père ne lui permettent pas de faire face au versement d’une pension alimentaire et que le capital qu’il a vocation à recevoir est nécessaire à l’apurement de ses dettes.


Publication : non publié
Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers du 9 juin 2008



Recherches apparentées : apurement dettes pension alimentaire - contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant - pension alimentaire divorce - pension alimentaire séparation - dettes parents

Titre : Père dispensé de pension alimentaire pour pouvoir apurer ses dettes

l►► Pension alimentaire / prise en compte des allocations - prestations familiales

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l►► Pension alimentaire / allocations - prestations familiales


Jurisprudence Cour de Cassation - droit de la famille

La Cour de Cassation décide que pour la détermination de la contribution de chacun des parents à l'entretien et à l'éducation des enfants, les allocations familiales peuvent être prises en compte au titre des ressources dont chacun d'eux dispose.


Arrêt n° 1015 du 17 novembre 2010 (09-12.621) - Cour de cassation - Première chambre civile

Publication : Bulletin 2010, I, n° 234
Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen du 2 octobre 2008




Cet arrêt de la Cour de Cassation aurait pu mettre en évidence la certitude de la prise en compte des allocations familiales dans le calcul des ressources du créancier. C'était sans compter la circulaire, très décriée par les acteurs du monde judiciaire, fixant la table de référence permettant la fixation de la contribution à l’entretien et à l'éducation de l'enfant. Voir en ce sens mon billet : Pension alimentaire - la grille indicative des montants 2011

Cette table de référence propose de retenir la méthode du pourcentage des revenus qui consiste à multiplier le revenu du parent débiteur par le pourcentage correspondant au coût relatif de l’enfant, évincant la prise en compte du calcul des revenus du parent créancier (et par extension donc les revenus procurés par les prestations familiales).
Par ailleurs, la circulaire écarte explicitement les prestations familiales des éléments à prendre en compte au motif qu’elles visent à améliorer le niveau de vie des enfants et non à participer au versement d’une pension alimentaire.
A noter que l'INSEE définit les prestations familiales comme "étant des prestations sociales dont l'objet est d'apporter aux familles une aide compensant partiellement les dépenses engagées pour la subsistance et l'éducation des enfants". 

En tout état de cause, il appartient au Juge aux Affaires Familiales de trancher au cas par cas. 



Recherches apparentées : ressources pension alimentaire - intégration allocations familiales - jurisprudence pension alimentaire - jurisprudence allocations familiales

Titre : Pension alimentaire / allocations - prestations familiales 
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